Examens 2021 : les graves défaillances du Ministre, le sens du service public des agents

Baccalauréat général, technologique, professionnel, BTS, DNB général et DNB professionnel… pas un seul examen de cette session 2021 n’aura été organisé correctement par le Ministère. Si les épreuves ont eu lieu, c’est uniquement grâce au sens du service public de ses agents, en particulier les personnels d’enseignement et d’éducation, les personnels administratifs dans les services des examens des Rectorats et les chefs d’établissement, qui ont tenu, malgré les ordres, contre-ordres et l’improvisation généralisée érigée en mode de gouvernance par le Ministre.

Comme pendant la crise sanitaire, le Ministre s’est accroché à son mantra « on est prêt », balayant d’un revers de la main les alertes des organisations syndicales, dont la FSU, sur les difficultés pédagogiques et organisationnelles de cette session. La FSU, attachée à des épreuves nationales et terminales a fait des propositions pour des aménagements des épreuves qui auraient permis de concilier les impératifs pédagogiques et organisationnelles. Mais, encore une fois, le Ministre et son entourage ont choisi le déni, n’ont pas anticipé les caractéristiques de cette session si particulière, marquée à la fois par le Covid et des nouvelles épreuves liées aux réformes par ailleurs très contestées de Jean-Michel Blanquer. Ils ont alors mis sous tension et sous pression toute la chaine d’organisation des examens.

Services administratifs sommés de s’adapter en dernière minute en fonction de consignes trop souvent découvertes à l’occasion de communications médiatiques et qui souffrent d’une insuffisance de créations d’emplois, professeurs qui découvrent leur convocation au Grand oral alors que l’épreuve a déjà commencé, correcteurs de français et de philosophie qui voient disparaître certaines de leurs copies numérisées, alors même que les chefs d’établissement ont souvent passé de très longues heures à scanner ces copies. Pour le baccalauréat professionnel, deux épreuves ont été neutralisées a posteriori mais sans alléger les conditions d’organisation des examens malgré un contexte sanitaire qui aura dégradé toute l’année.

Les épreuves du DNB se déroulent après de nombreux rebondissements ces derniers jours qui relèvent de la seule responsabilité du Ministre. Était-il nécessaire d’ajouter une pression supplémentaire aux services des examens et concours déjà au bord de la rupture pour certains… Quelle inconséquence, là encore !

La FSU apporte tout son soutien aux personnels mobilisés pour le bon déroulement des examens. Elle intervient auprès du ministère pour que les conditions de correction et de travail soient respectées/améliorées.

Elle exige qu’un bilan complet et sincère soit fait de cette session chaotique des examens 2021. Les personnels et les élèves ont payé très cher la désorganisation de cette session, après une année particulièrement difficile. La lumière doit être faite sur les dysfonctionnements constatés et toute la chaîne de décisions doit être remontée et analysée. La FSU n’acceptera pas que les personnels d’enseignement, d’éducation, d’inspection, administratifs, techniques ou les chefs d’établissements servent de bouc émissaire pour cacher les défaillances du Ministre.

Les annonces ministérielles de ce lundi pour la session du baccalauréat 2022 ne règlent en rien les problèmes de fond posés par la réforme du bac imposée à marche forcée par Jean-Michel Blanquer. En remettant en cause le caractère national du baccalauréat, le bac Blanquer est toujours plus injuste et inégalitaire. À l’image de la politique éducative menée par le Ministre depuis 4 ans.

Les Lilas, le 29 juin 2021

 

Dans le supérieur, près de 4 BIATSS sur 10 sont des agents contractuels

Depuis 2019, l’obsession gouvernementale d’élargir le recours à l’emploi contractuel se traduit par les dispositions de la loi de transformation de la fonction publique, redoublées par la loi de programmation de la recherche (LPR) qui crée un nouveau type de « CDI » (voir encadré). Pourtant, le recours au contrat (CDD, CDI,…) est déjà massif dans l’enseignement supérieur et la recherche, bien supérieur à la moyenne de la fonction publique qui s’établit à 19,2 % en 2018. Avec des conséquences importantes tant pour les conditions de travail des personnels que pour le service public.

En 2018, d’après le dernier bilan social du MESRI, la proportion de contractuel-les parmi les personnels BIATSS atteint 38,1 %. C’est un chiffre gigantesque qui est relativement stable ces dernières années : il n’a connu que quelques variations à la hausse puis à la baisse depuis 2012, le plus souvent en lien avec une modification des méthodes de recensement de l’administration centrale. La part des agents non titulaires recrutés sur des missions permanentes est par contre en hausse depuis plusieurs années, atteignant 55 % pour l’année 2018, sur des contrats de CDD (36%) ou de CDI (19%). Enfin, les fonctions exercées par ces personnels contractuels correspondent massivement aux corps de la filière ITRF, pour 9 contrats sur 10. Ce recours aux personnels contractuels est une caractéristique historique des établissements d’enseignement supérieur, et traduit le sous-effectif patent en personnels BIATSS titulaires, de toutes les catégories hiérarchiques et de toutes les filières pour remplir les missions de service public.

Pour les collègues concerné-es, les conditions d’emploi sont très diverses, selon la nature des contrats (il existe près d’une dizaine de types de contrats selon le fondement juridique sur lequel ils sont rédigés), selon leur durée, ou encore selon les établissement (niveau salarial de recrutement, évolution salariale possible, existence de primes, montant des primes etc.). Exprimé en ETPT (équivalent temps plein travaillé), le nombre de contractuel-les chute de plus de 30 %, ce qui indique un recours fréquent au temps partiel, dans toutes les catégories hiérarchiques, et tout particulièrement dans la catégorie C (la quotité de travail théorique que l’on peut calculer dépasse à peine 60 %). Ajoutons enfin que les femmes sont très nombreuses parmi ces contractuel-les (le taux de féminisation est de 66%, supérieur de 3 points à celui des titulaires) et qu’il est très probable qu’elles soient les premières concernées par ces temps partiels. La souffrance au travail de ces personnels est importante : difficile de partager un bureau et son travail avec les collègues titulaires, dans ces conditions d’emploi aussi dégradées.

Les dispositifs de résorption de la précarité mis en œuvre ces dernières années (dont Sauvadet en 2013) ont été très largement insuffisants, on le voit dans la persistance d’un recours très fort à l’emploi contractuel. Les orientations gouvernementales poussant à encore plus de recrutements contractuels comme axe majeur des politiques des ressources humaines ne risquent pas d’améliorer la situation. Pourtant, au-delà des conditions d’emploi individuelles dégradées qu’il induit, le recours au contrat est aussi un facteur déstabilisant dans l’organisation des services publics, par le turn-over et les formations de nouvelles recrues permanents qu’il entraîne.
Plus que jamais nos revendications syndicales sont d’actualité : pour un meilleur service public, le SNASUB-FSU continue de demander la titularisation massive des contractuel-les et la création d’emplois BIATSS titulaires. Et en attendant, nous défendons de meilleures conditions d’emplois pour les collègues contractuel-les (temps pleins, possibilité d’évolution salariale, accès aux indemnités et à l’action sociale etc.).

Le « CDI » de mission scientifique, un faux CDI !

La LPR adoptée il y a quelque mois au parlement attaque les personnels sous plusieurs angles, en particulier elle favorise la précarité. Cela passe en particulier par la création de « CDI » de mission scientifique… qui comme son nom ne l’indique pas, n’a rien d’indéterminé. En effet, il s’agit d’un contrat qui va se terminer avec la mission ou avec l’impossibilité de boucler la mission, mais dont on ne connaît pas la date de fin. Le terme CDI est donc là pour faire envie mais il est trompeur. D’autant que le ministère n’a pas l’intention de limiter le type de mission concernées. Décliné dans la LPR, on aurait pu imaginer que les types de métiers envisagés pour ce « CDI » soient limités à des métiers strictement liés à la recherche (BAP scientifiques des ITRF et ITA). En réalité, rien n’interdit à ce stade que des missions d’appui à la recherche (financières ou administratives par exemple) soient concernées. Les textes précisant ce « CDI » sont en cours de préparation, nous y reviendrons dans les prochaines numéros.

Le télétravail, le statut et les conditions de vie

Situation nationale

Si l’on tient compte de l’enquête INSEE parue après le premier confinement en juin 2020 plusieurs aspects concernant le télétravail peuvent interpeller.
D’abord le télétravail est le fait majoritaire d‘une catégorie socioprofessionnelle : 58 % des cadres et professions intermédiaires ont télétravaillé. Ensuite on retrouve cette même inégalité dans les différences de conditions de travail selon le niveau de vie : 21 % des personnes les plus modestes (1ᵉʳ quintile de niveau de vie) ont télétravaillé pendant le confinement contre 53 % des plus aisés (dernier quintile). À l’inverse, les personnes les plus modestes ont davantage continué à aller travailler sur site. Ce fut en particulier le cas des ouvriers (53 %), devant les employés (41 %), agriculteurs, chefs d’entreprise et indépendants (40 %), les cadres et professions intermédiaires étant nettement en retrait (21 %).

La situation nationale montre donc une polarité des bénéficiaires du télétravail qui, de facto, entraîne une diminution des relations matérielles via le travail. Et si cela permet théoriquement d’endiguer la propagation du virus en distillant la quantité de personnel sur site, cela met surtout en évidence une différence d’importance : encadrer vous donne plus de latitude quant à la manière dont vous pouvez travailler.
Et c’est frappant quand, alors que pour bon nombre de collègues, le passage de missions habituelles de travail en télétravail a été diversement mis en place à la faveur des n+1, pour l’ensemble des cadres, son application et sa généralisation a été quasi instantanée. Comme si tout était déjà prêt.

Le télétravail a aussi un coup financier et il peut paraître intéressant d’en connaître les montants liés au prix des locaux et au coup énergétique. Selon une étude récente1, encore une fois, il y a une disparité entre les ménages entre de faibles revenus et de hauts revenus. Les personnes à faibles revenus auraient besoin de 15 % de revenus supplémentaires pour compenser les frais dus au télétravail quand les plus aisés n’auraient besoin d’aucune compensation supplémentaire pour couvrir ces nouvelles dépenses. Le supplément de revenus nécessaire, en général, pour un télétravail bien facturé est estimé à 3,8 %.

Dans les différents établissements et entreprises ?

Lors du premier confinement l’urgence de la situation a conduit à la mise à l’arrêt total de l’université Jean-Moulin Lyon 3. Ainsi une partie des personnels furent mis en ASA (autorisation spéciale d’absence) tandis qu’allait se diffuser une pratique du télétravail hors convention. Le télétravail s’est constitué comme un moyen de faire perdurer l’activité en direction des publics et s’appuya sur l’usage des outils numériques qui fut largement encouragé. C’est donc dès ce premier confinement que des différences profondes ont pu être recensées.
L’exemple des BU est particulièrement éclairant car c’est l’un des premiers services à avoir repris son activité de service public sur site dès la fin du confinement stricte. Tandis que la majorité des encadrants restait en télétravail, moniteurs étudiants (dans l’obligation d’effectuer leurs heures pour être payé) et magasiniers des bibliothèques (cat. C) soutenus, malgré tout, par une poignée de cadres à l’accueil eurent à gérer un « click and collect » mis en place dans l’urgence et ce dès le 2 juin. Certes, il fallait bien renouer le lien avec les usagers et leur besoin documentaires mais c’est bien la catégorie des personnels les plus modestes, celles recensées par l’enquête INSEE, qui furent majoritairement sur le front. Et ce n’est que près d’un an après qu’une possibilité de télétravail s’offre à eux. Alors on comprend bien que la situation sanitaire restant toujours préoccupante, tout s’est accéléré dernièrement et la direction a été mis en devoir de généraliser in extenso le télétravail sous peine d’avoir des comptes à rendre mais cela montre bien le rapport ambigu qu’elle entretient avec une partie de son personnel.

Évidemment sur l’ensemble des situations, une partie du télétravail a pu être contraint mais, ce qui fait jour rétrospectivement, c’est quand même l’absence du terrain tandis que d’autres continuent d’être présents quotidiennement. Ainsi, tandis que la discipline propre au travail perdure, elle ne se trouve pas distribuée de la même manière selon votre groupe social. Les uns peuvent travailler plusieurs jours depuis leur domicile, les autres sont globalement bloqués dans le schéma traditionnel. Soit que l’ensemble des tâches nécessite d’être beaucoup sur place et/ou que le volume important d’astreintes conditionne leur taux de présence. Cette discipline du travail est ce qui reste encore au cœur du procès de télétravail, le travail est un savoir être couplé à un savoir-faire qui tient bien plus d’une attitude globale que d’une expérience acquise au cours du temps.

Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il y est un travail de plus grande qualité chez les uns ou les autres. Par contre l’intensité est ce qui fait la différence et à ce compte, la sérénité qu’offre quelques jours de télétravail couplé aux outils numériques a des effets sur la productivité. Par contre le fait d’être à pleins temps ou proche du plein temps en télétravail aurait des conséquences délétères sur la productivité. La question ne peut être vu sous le seul angle économique en vérité difficilement évaluable car elle reflète une question de fond sur la charge de travail demandée à des personnes en télétravail. Il faut remarquer le caractère parfois envahissant et épuisant2 du télétravail lié à des demandes de chefs de services qui évaluent mal ou ne veulent pas voir les complications que cela engendre en termes de planning notamment pour des tâches ponctuelles nécessitant une présence collective sur site ou, plus insidieusement, dans le surplus de travail que cela génère du fait d’une disponibilité facilitée via les outils professionnels. Tout cela brosse un paysage qui est loin d’être idyllique à l’heure où des entreprises de la Silicon Valley disent vouloir entièrement basculer dans le télétravail. Avec le numérique l’assiduité calculé et les sollicitations incessantes se trouvent au cœur des nouveaux procès de travail.
Bien sûr, il faut distinguer le télétravail choisi sous volontariat du télétravail imposé en temps de pandémie. Dans le second cas, les conditions sont particulièrement peu optimales et la réalisation des objectifs s’en fait ressentir. Toutefois, il ne fait aucun doute que cela aura représenté un test à grande échelle de ces nouveaux modes de travail en tout numérique qui s’inscrivent parfaitement dans la dématérialisation à marche forcée qui s’opère dans tous les domaines depuis plusieurs années (services publics, éducation, commerce, santé, etc.).

Aussi, les frontières entre espace privé et professionnel deviennent de plus en plus ténues et l’on peut largement envisager à partir de ce changement qu’une nouvelle organisation sociale voit le jour qui recompose complètement les repères actuels. De l’expérience différenciée du télétravail à son incorporation dans de nouvelles manières de vivre voilà peut-être ce qui restera de cette période de Covid. Mais si le télétravail se trouve globalement bien accepté de par la sécurité que semble constituée le fait de rester chez soi, il est à parier qu’une fois passée la crise, il sera plus compliqué à légitimer et que l’évident besoin d’interactions réelles nécessaire à l’émulation et à la coopération au travail reviendra sur le devant de la scène.

1 https://www.zdnet.fr/actualites/des-economistes-plaident-pour-un-bonus-teletravail-39918557.htm

2 Voir l’étude suivante sur 16’000 répondants aux USA : https://www.fishbowlapp.com/insights/2020/06/29/pandemic-burnout-68-suffering-from-workplace-burnout-due-to-wfh-37-now-switching-jobs/

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